Dépêches du Dr Sherif Emil en provenance du Rwanda : le premier cas (pas si) facile
29 novembre 2013
Aujourd’hui, j’ai commencé ma journée à 6 h 30 et je suis rentré à la maison autour de 20 h 30. Mon premier repas, pris à 16 h, se composait d’une simple banane. Pour une raison que j’ignore, on ne ressent pas la faim et la fatigue en Afrique comme à Montréal.
Dépêche no 4
Aujourd’hui, j’ai commencé ma journée à 6 h 30 et je suis rentré à la maison autour de 20 h 30. Mon premier repas, pris à 16 h, se composait d’une simple banane. Pour une raison que j’ignore, on ne ressent pas la faim et la fatigue en Afrique comme à Montréal. C’est un peu comme si la force des gens d’ici vous envahissait corps et âme quand vous arrivez, et vous apprenez à survivre avec moins.
Sur plus de quinze cas que nous avions prévu opérer avant mon arrivée, seuls trois l’ont été au cours des quatre derniers jours, deux néphrectomies pour des tumeurs de Wilms et une thoracotomie pour explorer une sténose œsophagienne. Le reste du temps, nous avons soigné les nouveau-nés aux prises avec des problèmes graves – occlusions intestinales, atrésie de l’œsophage, imperforation de l’anus, gastroschisis – qui arrivent ici tous les jours.
Aujourd’hui, je pensais finir ma journée tôt, autour de 16 h. Au moment de commencer notre tournée, nous avons été appelés à l’urgence pour un bébé de 4 semaines qui avait une possible hernie étranglée. Dès notre arrivée à ses côtés, j’ai reconnu le regard sur le visage de sa mère. C’était le regard d’appréhension et d’inquiétude d’un parent dont le joli bébé en santé tombe soudainement malade, pas le regard de résignation que je peux voir sur le visage de nombreux parents ici. J’ai vu ce regard anxieux partout où j’ai pratiqué, que ce soit en Californie, au Québec ou en Afrique. Des parents de toutes couleurs, de toutes croyances et de toutes cultures, mais qui ont tous une chose en commun – un amour et un dévouement profond pour leurs enfants.
Nous avons tenté de réduire la hernie sans succès. Nous avons alors amené le bébé de toute urgence en salle d’opération. Tous les chirurgiens pédiatres, y compris moi, s’attendaient à ce que ce soit une intervention difficile. Mais, malgré le piètre éclairage et les instruments émoussés, ce fut l’opération la plus facile de toute la semaine. Nous avons découvert que l’intestin bloqué dans la hernie était ischémique, mais pas nécrotique. Il aurait suffit de quelques heures de retard pour que l’intestin se gangrène et meure; le pronostic du bébé aurait alors été beaucoup plus sombre.
Nous avons réussi à réduire l’intestin et à réparer la hernie. Ce patient est le premier que j’ai vu cette semaine et qui n’a pas été traité différemment que s’il avait été à Londres, à Los Angeles ou à Montréal – un sentiment très satisfaisant à la fin d’une dure semaine.
Le Dr Sherif Emil est chirurgien pédiatre et directeur du département de chirurgie pédiatrique à l’Hôpital de Montréal pour enfants. Son voyage au Rwanda fait partie du programme de McGill pour former les résidents en chirurgie de l’Université nationale du Rwanda et du Centre hospitalier universitaire Kigali.