Bravo Lorenzo!
20 mars 2019
Lorenzo Bravo, 7 ans, garde maintenant la tête bien haute. En effet, au cours de la dernière année et demie, non seulement il a grandi de dix centimètres, mais il a aussi appris à attacher sa ceinture de sécurité, à ouvrir les portes et à monter une volée d’escaliers. « Ce sont toutes des choses qu’il ne pouvait pas faire il y a peu », raconte Jorge, le père de Lorenzo. « C’est fabuleux de voir le chemin qu’il a parcouru en si peu de temps. »
Sous la courbe de croissance
Lorenzo et sa famille ont immigré au Canada en juin 2012, en provenance de Lima, au Pérou. Jorge et sa femme, Mariela Paredes, ont décidé de s’installer à Drummondville, au Québec, où ils ont rapidement commencé à se faire une nouvelle vie. Bébé, Lorenzo semblait tout à fait normal, à part une démarche très rigide. Mais à 4 ans, il a arrêté de grandir. « Tous les membres de la famille de ma femme sont petits, alors nous avons juste pensé qu’il suivait leurs traces », se rappelle Jorge.
Mais au cours de l’année qui a suivi, le développement de la motricité fine de Lorenzo a cessé de se faire normalement et il est devenu moins mobile. L’infirmière de son école a aussi remarqué quelque chose d’étrange dans ses yeux; ils semblaient voilés. Lorenzo a été dirigé vers la Dre Louise Auger, directrice de la Clinique multiculturelle à l’Hôpital de Montréal pour enfants (HME). Dès le premier rendez-vous, la Dre Auger a soupçonné un problème génétique, et elle l’a envoyé passer d’autres tests. Son intuition était bonne.
Une maladie rarissime
Lorenzo était atteint d’une maladie génétique extrêmement rare appelée « mucopolysaccharidose de type VI » (MPS VI), aussi connue sous le nom de « syndrome de Maroteaux-Lamy ». Il a commencé à voir le Dr John Mitchell, endocrinologue pédiatrique, directeur de la Division d’endocrinologie de l’HME et un expert des maladies métaboliques rares. « Il n’y a que deux patients au Québec qui sont atteints de cette maladie, et dix au Canada », dit-il.
La MPS VI est causée par une mutation du gène ARSB, qui dans ces cas, empêche le corps de produire une enzyme nécessaire à la dégradation de grosses molécules de sucre appelées « glycosaminoglycanes » (GAG). « Ces molécules s’accumulent à l’intérieur des cellules, et finissent inévitablement par causer l’inflammation de différents tissus et organes, en particulier ceux du système musculo-squelettique, explique le Dr Mitchell. Sans un traitement adéquat, l’accumulation de ces GAG peut provoquer la mort des cellules. »
Comme la maladie affectait différents organes et systèmes de son corps, Lorenzo a commencé à être suivi dans différentes spécialités. « Ma conjointe et moi avons dû fermer notre entreprise, parce que nous étions à l’hôpital au moins trois fois par semaine, raconte Jorge. Nous voulions tous les deux être là pour notre fils. » Mary, la mère de Jorge, souffrait de voir à distance sa famille se débattre ainsi, et elle a décidé de quitter le Chili pour le Canada afin d’aider à prendre soin de Lorenzo. « Cette décision a vraiment changé nos vies. Elle nous a permis, à mon épouse et à moi, de retourner à l’école et d’améliorer notre sort, explique-t-il. Nous n’aurions pas pu y arriver seuls. »
Pas un remède miracle, mais pas loin
En 2018, le Dr Mitchell a entrepris sur Lorenzo une enzymothérapie de substitution. Chaque lundi, une infirmière se rend à la maison pour mettre Lorenzo sous infusion intraveineuse pendant quatre heures. « Nous arrivons à administrer l’enzyme manquante directement dans son corps, et il commence à se débarrasser des GAG, explique le Dr Mitchell. Ce traitement fonctionne mieux avec les organes qui ont un débit sanguin élevé, comme le foie. » Mais il ne fonctionne pas aussi bien sur des organes comme les cornées, dont le débit sanguin est plus faible. « Le traitement n’offre pas de guérison, mais il change le cours de la maladie. Il agit sur différents organes à des rythmes différents, mais il ne peut pas réparer les dommages déjà faits », ajoute-t-il.
C’est ainsi qu’en 2017 Lorenzo a dû se faire opérer pour une hernie; il souffre aussi du syndrome du tunnel carpien dans les deux mains, et il devra être opéré à la fin mars et en juillet. Mais Lorenzo a pu prendre entre cinq et huit centimètres en six mois, parce que le traitement a permis de réduire l’inflammation dans son organisme. Il a aussi énormément amélioré sa mobilité, son endurance et sa motricité fine. « Lorenzo n’a plus besoin d’une aide à plein temps à l’école, et sa confiance a monté en flèche. Il lui faut plus de temps que les autres enfants pour être prêt, mais il arrive maintenant à tout faire par lui-même », dit son père.
Même si la MPS VI est une maladie génétique, personne d’autre dans la famille de Lorenzo n’en est atteint, y compris son petit frère, Leonardo. Toutefois, ses deux parents en sont porteurs. C’est assez surprenant étant donné leurs origines différentes : les ancêtres de Jorge viennent d’Allemagne et ceux de Mariela ont été retracés en Chine. « La maladie de Lorenzo a changé nos vies pour toujours, dit Jorge. Mais elle a aussi beaucoup rapproché la famille. »