Vivre d’espoir
25 juin 2019
Catherine Nantel s’émeut encore chaque fois qu’elle repense au 28 mai 2015. C’est ce jour-là que la vie de sa fille a complètement changé. Zoé Sankowski était une fillette de 8 ans tout à fait normale avant de commencer à faire des crises d’épilepsie. Sa première crise a été tellement grave qu’elle s’est retrouvée à l’hôpital; et c’était loin d’être sa dernière.
Un véritable cauchemar
De l’hôpital près de chez elle, Zoé a été transférée à l’unité de soins intensifs pédiatriques de l’Hôpital de Montréal pour enfants (HME) après avoir commencé à faire des crises toutes les 15 minutes. Pendant plus de deux semaines, Zoé a été maintenue dans un coma artificiel pendant que des spécialistes de différents départements essayaient de comprendre ce qui n’allait pas.
Le Dr Guillaume Sébire, neurologue pédiatrique et directeur de la division de neurologie pédiatrique à l’HME, a découvert que Zoé souffrait d’une encéphalite auto-immune. Il s’agit d’une maladie qui survient quand le système immunitaire commence à attaquer les cellules saines du cerveau, causant une inflammation de ce dernier.
L’inflammation a provoqué l’apparition soudaine de violentes crises d’épilepsie qui ont grandement bouleversé la vie de Zoé. Elle ne pouvait plus ni parler, ni marcher, ni s’alimenter seule. Ses parents, Catherine et Norbert, avaient peine à reconnaître leur petite fille. « C’était un véritable cauchemar, se rappelle Catherine. Elle ne savait même plus qui nous étions. »
Toucher le fond
Zoé a essayé un traitement après l’autre jusqu’à ce qu’enfin, un médicament anti-inflammatoire semble aider à réduire ses crises. Elle a reçu son congé de l’hôpital et a entrepris une thérapie au Centre de réadaptation Marie-Enfant. « Elle a dû réapprendre à marcher, à parler et à manger, dit Catherine. Les crises l’avaient laissée dans un bien mauvais état physique et développemental. Elle a été incapable de parler pendant trois mois, alors l’entendre parler à nouveau a été extraordinaire. »
Au cours des six mois qui ont suivi, l’état de Zoé a semblé se stabiliser. Mais d’autres mauvaises nouvelles attendaient Zoé et ses parents : l’encéphalite de Zoé s’était propagée à son cervelet, une partie du cerveau située à l’arrière de la partie supérieure du tronc cérébral. Et quelques mois plus tard, on lui a diagnostiqué une autre maladie grave (possiblement auto-immune) appelée anémie aplasique, une maladie qui amène la moelle osseuse à réduire sa production de globules rouges, de globules blancs et de plaquettes. Mais, ce n’était pas la fin des mauvaises nouvelles; ses crises ont repris de plus belle. « Non seulement ses crises avaient empiré, mais elles étaient aussi plus fréquentes, rapporte sa mère. Zoé tombait chaque fois qu’elle en faisait une. »
Le Dr Sébire a commencé à penser que l’état de Zoé cachait un problème sous-jacent. « On a commencé à se dire que le mauvais fonctionnement de son système immunitaire était dû à une anomalie dans la production d’anticorps », raconte-t-il. Il a alors suggéré un nouveau traitement d’immunoglobuline qui devait cibler les anticorps de son sang dans l’espoir qu’ils empêchent son système immunitaire d’attaquer son cerveau. Avec cette approche, combinée aux autres traitements anti-inflammatoires administrés précédemment, l’encéphalite de Zoé a cessé de progresser; malheureusement, ça n’a pas diminué son grand nombre de crises. « À ce stade, nous ne savions plus quoi faire, admet Catherine. Nous étions complètement découragés. »
Un dernier espoir
Le neurochirurgien pédiatrique, Dr Roy Dudley, a été appelé à la rescousse pour voir s’il était possible de pratiquer une résection pour enlever une partie du cerveau et arrêter les crises. « Au début, Zoé ne semblait pas être une bonne candidate à l’opération, parce que son épilepsie était associée aux deux côtés de son cerveau, et il n’était évidemment pas envisageable d’enlever les deux lobes temporaux, explique le Dr Dudley. Mais avec le temps, ses électro-encéphalogrammes ont commencé à montrer que son côté gauche était non réactif et que son côté droit était hyperactif. On a décidé de refaire d’autres tests pour voir si l’opération était devenue une option. »
Zoé a subi une évaluation préopératoire approfondie pour déterminer si elle pouvait être opérée, et dans l’affirmative, quelle partie du cerveau devait être retirée pour mettre fin à ses crises. « Ces tests nous aident à formuler une hypothèse sur les zones de déclenchement des crises, et leurs périphéries, aussi appelées zones épileptogéniques. On veut aussi s’assurer de ne pas retirer une partie du cerveau qui pourrait nuire à la parole ou à la mémoire, ou à toute autre fonction importante », poursuit-il.
Une fois toutes les données en main, les résultats n’étaient pas encore concluants. Le Dr Dudley a alors proposé d’implanter des électrodes profondes de stéréotaxie dans le cerveau de Zoé. Il a planifié et pratiqué l’intervention avec le Dr François Dubeau, épileptologue de renommée mondiale, et une équipe d’experts de l’Institut neurologique de Montréal. « Tous les tests préopératoires que nous avons faits nous ont aidés à formuler une bonne hypothèse concernant le problème de Zoé. Ils donnaient à penser que la majorité, sinon toutes ses crises venaient du lobe temporal droit, mais les électrodes allaient nous aider à confirmer cette hypothèse », explique le Dr Dudley.
On a percé de minuscules trous dans le crâne de Zoé, puis on a implanté quinze électrodes du côté droit de son cerveau, et deux du côté gauche. Pendant les neuf jours qui ont suivi, Zoé a été suivie de près. Les électrodes étaient reliées à un appareil de vidéosurveillance qui transmettait tous ses résultats directement au laboratoire d’EEG où des techniciens les analysaient toutes les 12 heures.
Au cours de la semaine suivante, Zoé a subi sept crises, qui venaient toutes de son côté droit. « Il ne faisait plus de doute que toutes ses crises étaient déclenchées dans l’hippocampe droit, situé dans le lobe temporal médial du cerveau », précise le Dr Dudley. À la fin de la séance, le Dr Dudley était convaincu qu’une résection complète du lobe temporal droit améliorerait grandement la qualité de vie de Zoé. Il était maintenant temps pour ses parents de prendre une décision capitale.
Opter pour l’opération
Le 30 avril 2018, Zoé a été amenée en salle d’opération de l’HME. Pendant les cinq heures qui ont suivi, le Dr Dudley et son équipe ont retiré la totalité de son lobe temporal droit. « Le lobe temporal gauche est actif dans le traitement du langage et de la mémoire verbale, tandis que le lobe temporal droit est responsable des aptitudes non verbales, comme la mémoire visuelle et spatiale, explique le Dr Dudley. Étonnamment, le cerveau est capable de refaire ses propres circuits, et le côté gauche peut compenser le côté droit. »
Après l’opération, le Dr Dudley a montré à Catherine et Norbert une image du côté droit du cerveau de Zoé, obtenue par IRM. Ce qu’ils voyaient maintenant était un grand vide rempli de liquide. « Nous ne pouvions pas croire que notre fille pouvait être fonctionnelle sans une aussi grosse partie de son cerveau, rapporte Catherine. Mais le Dr Dudley a expliqué que le côté droit de Zoé était tellement anormal qu’il ne fonctionnait pas correctement au départ. »
La famille de Zoé a vite remarqué quelques changements importants. Sa voix et sa vitesse d’élocution se sont améliorées, elle était plus alerte, et elle semblait physiquement plus forte. Et plus important encore, ses crises avaient cessé, du moins pour un temps. « Après quelques semaines, ses crises ont repris, mais cette fois, elles venaient du côté gauche », raconte Catherine.
Le Dr Dudley a expliqué qu’après une résection, il peut se produire trois choses : le patient est guéri, le patient n’est pas guéri, ou le patient vit un phénomè
Aujourd’hui, Zoé va extrêmement bien. Elle a une légère crise tous les deux ou trois mois, mais ses parents sont renversés de voir à quel point elle progresse sur le plan physique et développemental. Son langage s’est grandement amélioré, et elle peut maintenant lire, écrire et faire des mathématiques simples. Elle a recommencé l’école, et a joué récemment dans une ligue de hockey pour les enfants ayant des besoins particuliers. Elle a même décidé de se mettre au soccer cet été. « Même s’il arrive encore à Zoé d’avoir des crises, elles sont maintenant gérables. Zoé peut enfin reprendre sa vie, dit sa mère. Quant à nous, on a enfin l’impression d’avoir retrouvé notre fille. »ne de ralentissement, qui fait que les crises diminuent lentement au fil du temps. « Nous croyons que c’est ce qui se produit avec Zoé, et nous espérons qu’avec le temps, ses crises cesseront complètement d’elles-mêmes », ajoute le Dr Dudley.