Ces bébés qui régurgitent

Ces bébés qui régurgitent

15 février 2011

Par Richard Haber, M.D.
 
Madame A. S. se présente à votre bureau avec Ali, son fils de 5 semaines, en se plaignant qu’il vomit constamment. En la questionnant, vous découvrez que du contenu gastrique ressort souvent sans effort après les boires et au moment du rot de bébé, qui lui n’est pas aussi contrarié que sa mère. On observe un reflux gastro-œsophagien (RGO) chez 70 à 80 % des nourrissons, la plupart du temps bénin. Le clinicien avisé doit faire la distinction entre un simple RGO et un RGO pathologique qui, lui, doit être traité.

Les principaux signes à surveiller

Il est essentiel de faire un bon survol des antécédents et un examen physique. Les principaux aspects à examiner sont les suivants :
  • Y a-t-il présence de sang dans les vomissures?
  • Les vomissements se font-ils avec force ou en jet, suggérant une sténose du pylore? Mise en garde : plusieurs mères décrivent toutes les régurgitations comme étant en jet; assurez-vous de la juste signification de ce mot.
  • Les vomissures sont-elles bileuses, pouvant indiquer une obstruction de l’intestin grêle?
  • Le bébé est-il inconfortable ou irritable, en particulier après les boires?
  • À quel âge les problèmes ont-ils commencé? Le RGO simple commence tôt (avant 4 mois).
L’examen physique devrait être léger en cas de RGO simple. Vérifiez la courbe de croissance par rapport à différentes mesures dans le temps pour obtenir la trajectoire de croissance. Tout nourrisson qui régurgite et présente un retard de croissance tombe dans la catégorie diagnostique du RGO pathologique, et non du RGO simple. Une sensibilité épigastrique avec des antécédents d’irritabilité et de douleur pointe vers l’œsophagite, ou le RGO pathologique. Les autres observations inquiétantes incluent la macrocéphalie (possibilité d’hydrocéphalie), le renflement de la fontanelle (pression intracrânienne accrue), l’hépatosplénomégalie (possible désordre métabolique), une masse abdominale, ou la « palpation de l’olive » indiquant une sténose du pylore.

Traitement du reflux gastro-œsophagien (RGO) pathologique

L’enfant qui a un reflux bénin et qui se développe normalement n’a besoin ni d’examen ni de traitement; cet état est inoffensif et guérit spontanément. Par contre, l’enfant qui souffre de RGO pathologique aura besoin d’un traitement, à la fois pharmacologique et non pharmacologique. Par exemple, un nourrisson a moins tendance à régurgiter s’il est couché sur le ventre plutôt que sur le dos, de sorte qu’un changement de position peut l’aider. Toutefois, cela va à l’encontre de la recommandation de coucher les bébés sur le dos afin de prévenir le syndrome de mort subite du nourrisson (SMSN); nous ne pouvons donc pas recommander de coucher bébé sur le ventre. Bien que la position debout puisse diminuer la régurgitation, placer un bébé dans un siège d’auto ou en position assise peut, en fait, l’augmenter. Dans le cas des bébés nourris au biberon, l’épaississement de la préparation avec une céréale de riz (15 ml de céréales sèches par 30 ml de préparation) peut aider. Enfin, on peut prescrire un suppresseur acide comme la cimétidine (5 à 15 mg/kg/jour répartis en 2 doses) en cas d’extrême irritabilité et de douleurs dues à l’œsophagite.
 
L’une des erreurs les plus courantes est de supposer qu’il s’agit d’une allergie au lait et de conseiller une préparation à base de soya. Il arrive à l’occasion que les nourrissons qui souffrent d’une telle allergie aient des vomissements, mais ils souffrent plutôt de diarrhée et ont du sang dans les selles. Ce n’est pas le cas de la majorité des bébés qui ont un RGO pathologique, et il n’y a aucun avantage à cesser l’allaitement. Une étude récente de S. R. Orenstein et J. D. McGowan (J Pediatr, vol. 152, no 3, 2008, p. 310-314) a montré que des mesures proactives et le fait de cesser de fumer avaient entraîné une diminution des symptômes chez 78 % des nourrissons aux prises avec un RGO pathologique après seulement 2 semaines.
 
L’enfant qui a un reflux bénin et qui se développe normalement n’a besoin ni d’examen ni de traitement; cet état est inoffensif et guérit spontanément.

 

Richard Haber, M.D., FAAP et FRCPC, est professeur agrégé de pédiatrie à l’Université McGill et directeur du Centre de consultation pédiatrique à L’Hôpital de Montréal pour enfants.

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