Comprendre le virus H5N1
13 janvier 2014
Qu’est-ce que le virus H5N1, ou virus de l’influenza aviaire, et est-ce que vous et vos proches devriez vous inquiéter pour votre santé? Avec tous ces renseignements qui circulent dans les médias et en ligne, il est difficile de distinguer les faits de la fiction. Notre spécialiste des maladies infectieuses, la Dre Caroline Quach, répond à certaines des questions les plus pressantes au sujet de cette souche de grippe qui fait les manchettes pour nous aider à comprendre comment prévenir l’infection et éviter de déformer les faits.
Comment peut-on l’attraper? Seulement des animaux ou des humains?
Pour l’instant, les cas de grippe aviaire n’ont été transmis que par contact direct avec de la volaille.
Peut-on l’attraper en mangeant de la volaille?
Non, pas en mangeant de la volaille. La transmission se fait par contact avec de la volaille vivante, la plupart du temps dans des exploitations agricoles ou lors d’opérations d’abattage.
Vous dites « pour l’instant ». Qu’est-ce qui pourrait faire en sorte que le virus devienne transmissible entre humains?
La crainte, c’est qu’une personne ait à la fois l’influenza aviaire et l’influenza humaine. On sait que les virus de l’influenza sont très bons pour se recombiner. Il suffit qu’un virus de l’influenza aviaire se lie à un virus de l’influenza humaine et s’empare de son aptitude à se transmettre entre humains pour que la transmission entre humains puisse devenir réalité.
Si j’ai été vacciné lors de la dernière grande campagne contre la grippe H1N1, est-ce encore actif?
Le virus de l’influenza H1N1 qui a causé la dernière pandémie est différent du virus de l’influenza aviaire (H5N1). Les vaccins actuellement disponibles ne protègent pas contre le virus de l’influenza aviaire. Toutefois, des études cliniques sont en cours afin de développer de nouveaux vaccins.
Les enfants de moins de 5 ans sont-ils plus à risque?
De par leur comportement, les enfants de moins de 5 ans sont plus à risque d’attraper n’importe quel virus respiratoire : c’est le bonheur de la garderie et de l’école. Toutefois, dans la situation actuelle, puisque le facteur de risque principal est un contact avec de la volaille vivante et malade, les enfants de 5 ans sont peu touchés. On a rapporté quelques cas pédiatriques en Asie – toujours en lien avec de la volaille, et ces cas ont été associés à des maladies graves.
Est-ce que ce virus est mortel?
À l’heure actuelle, le taux de mortalité est d’environ 59 %. Ceci veut dire que sur 100 cas, 59 décéderont. Toutefois, les cas testés et rapportés à la santé publique sont, bien sûr, les plus sévères, ce qui peut contribuer à surévaluer le taux de mortalité.
Que faut-il pour qu’une souche d’influenza aviaire se recombine avec une souche d’influenza humaine?
Pour que les souches d’influenza humaines et aviaires se recombinent, il faut deux virus présents en même temps dans le même hôte… et un peu de malchance! Plus le nombre de contacts entre les deux virus est grand (plus d’individus co-infectés), plus le risque statistique de recombinaison augmente. D’où l’importance de se faire vacciner contre la grippe saisonnière, afin de ne pas permettre aux deux virus d’être présents en même temps dans le même individu. Cet élément a d’ailleurs été considéré pour établir les recommandations de vaccination pour les travailleurs en contact avec les poulets – particulièrement pour les opérations d’abattage.
Donc, il n’y aura pas de vaccin prêt cette année? S’il y a pandémie, quels sont les médicaments?
Il y a présentement un vaccin en développement (phase 3) par une compagnie du Québec. Ce vaccin a été administré à plusieurs volontaires. S’il y a pandémie, un vaccin potentiel est presque prêt.
Pour ce qui est des antiviraux, le virus semble encore sensible aux médicaments présentement disponibles (oseltamivir et zanamivir).
Dans l’éventualité d’une mutation du virus par contact avec la souche humaine, serions-nous en mesure de réagir assez rapidement pour freiner la contagion ?
Les autorités de santé publique, de concert avec l’OMS, se préparent depuis bien longtemps à une telle éventualité. Nous avons des plans de pandémie qui devraient permettre de freiner la transmission. Le plus important, toutefois, est de maintenir un niveau de vigilance assez élevé afin de détecter les premiers signes d’un tel changement dans la transmission.
Tout le monde doit-il se faire vacciner?
Au Québec, les recommandations actuelles de vaccination contre la grippe ont été émises pour diminuer le risque de complication chez les gens qui seraient à risque de grippe sévère. En conséquence, le vaccin contre la grippe est offert gratuitement aux enfants âgés de 6 à 23 mois, aux enfants et aux adultes ayant des conditions médicales chroniques (p.ex., diabète, asthme) et aux personnes ayant un système immunitaire affaibli. On vaccine aussi les personnes de 60 ans et plus et toutes celles qui sont en contact avec des personnes à risque. Les autres personnes sont, bien sûr, invitées à se faire vacciner, mais le vaccin n’est pas offert gratuitement dans les cliniques.
59 % c’est vraiment beaucoup! On a plus d’une chance sur deux d’en mourir?
Vous avez raison, 59 % c’est très élevé, et c’est ce qui fait craindre une recombinaison avec une souche de grippe humaine. Ce que je disais précédemment s’applique toutefois : si on ne teste et ne rapporte que les cas les plus sévères, il est possible que toutes gravités confondues, le taux de mortalité soit plus bas. Il n’en demeure pas moins que cette grippe aviaire n’est pas à prendre à la légère.
Comment savoir si on a la grippe aviaire et non une grippe ordinaire? Est-ce qu’il y a des symptômes précis?
Le seul moyen de différencier une grippe aviaire d’une grippe ordinaire, c’est par un test diagnostique en laboratoire. Toutefois, nous ne procéderons pas à une analyse en laboratoire si vous n’avez pas eu de contact avec de la volaille dans un des pays touchés par les cas. D’un point de vue clinique, une grippe aviaire est impossible à différencier d’une grippe saisonnière sévère; et elle est parfois même difficile à différencier d’une infection respiratoire (rhume) causée par un autre virus.
Commentaire intéressant sur les réseaux sociaux et qui revient souvent : « Bon bon, 1 cas extrêmement isolé! ». Les médias et les autorités publiques en font-ils trop?
C’est sûr qu’un cas isolé n’est qu’un cas isolé. La saison de la grippe au Canada semble suivre les tendances normales. Les médias en font-ils trop? Ça, il faudrait le demander aux médias qui ont un devoir d’information. Pour ce qui est des autorités de santé publique, elles ont le devoir de prévenir et donc d’informer elles aussi face à d’éventuels problèmes. Pour que le réseau de la santé sache quoi surveiller, les autorités publiques nous tiennent au courant. Je pense que, récemment, les autorités de santé publique ont été plus rassurantes qu’alarmistes.
Je pars en Chine le mois prochain. Quelles précautions dois-je prendre?
Pour les voyageurs se rendant en Chine, comme pour tout voyage, il faut consulter une clinique de santé-voyage pour recevoir les vaccins appropriés. Par la suite, tout dépend des endroits visités. Un lavage des mains régulier est probablement ce qui vous sera le plus utile. Vous pouvez aussi éviter les marchés de volailles, où tous ces animaux se retrouvent ensemble.
J’ai beaucoup de difficulté avec la désinformation qui transige via les médias sociaux concernant la « dangerosité » des vaccins en général. Étant personnellement très à l’aise avec la notion de vaccination, que répondre a quelqu’un ayant été convaincu pa
Si seulement il y avait un moyen simple de répondre à cette question, et si vous aviez cette réponse, je vous engagerais! Ceci étant dit, mon approche est de présenter les faits quant à la sécurité des vaccins, mais aussi de faire la part des choses entre le risque perçu face à la vaccination et le risque réel d’une maladie grave qui aurait pu être évitée. Voir ces cas graves est très parlant. Comment regarder un parent en face qui me demande : « Docteur, aurais-je pu faire quelque chose? » et savoir que, oui, la maladie aurait pu être prévenue par un vaccin. De savoir aussi que les maladies pour lesquelles un vaccin a été développé sont très démocratiques : impossible de dire d’avance qui l’aura et qui développera des complications graves. En plus, pour beaucoup de ces maladies (comme la rougeole), il n’existe pas encore de traitement approuvé pour les guérir. Donc, difficile question.
Les personnes qui ont déjà été atteintes de la grippe H1N1 dans le passé sont-elles protégées contre la souche de cette année?
Une question sur le H1N1 : à différencier du H5N1 (aviaire)! Quelqu’un qui a eu la grippe H1N1 en 2009 lors de la pandémie devrait encore être protégé contre le virus H1N1 cette année, puisqu’il ne semble pas avoir beaucoup changé au cours des dernières années. Après 2009, l’influenza H1N1 est devenue notre influenza saisonnière et a été incluse dans tous les vaccins contre la grippe depuis 2009.
Quel est le pourcentage de gens qui ont été vaccinés et qui meurent quand même de la grippe? On ne parle jamais de ces statistiques.
Je n’ai pas de données sur la mortalité due au H1N1, spécifiquement pour les gens ayant été vaccinés. On sait que le vaccin contre la grippe saisonnière a une efficacité vaccinale sur le terrain qui tourne autour de 60 % à 70 % selon les années et selon la population de patients. On sait que certains patients qui ont été vaccinés ont quand même la grippe – surtout s’ils sont plus âgés (immunosénescence) ou s’ils ont un système immunitaire affaibli. Certains doivent même être hospitalisés. Je n’ai personnellement pas vu de cas de décès de grippe H1N1 chez une personne qui avait été vaccinée, ce qui ne veut pas dire que ça n’arrive pas.
Est-il recommandé de faire vacciner un bébé qui vient tout juste d’avoir 6 mois? Est-il mieux de tout simplement le garder à la maison? De plus, jusqu’à quand la période de vaccination est-elle valide?
On recommande de vacciner les jeunes enfants dès l’âge de 6 mois; les différentes cliniques (CLSC) offrent encore le vaccin contre la grippe. Quant à savoir s’il est préférable de garder simplement votre poupon à la maison, c’est envisageable seulement si on peut s’assurer que personne ne vienne le voir, surtout pas avec des symptômes. Le problème est que la grippe peut se transmettre avant le début des symptômes; et puis, vous transformer en ermite n’est peut-être pas une solution qui vous plairait (enfin, elle ne me plairait pas).
Des rumeurs circulent sur le Web au sujet du vaccin antigrippal et sur le fait qu’il causerait une réaction immunitaire trop forte (tempête de cytokines). Est-ce que la particularité du virus fait que justement notre corps réagit un peu trop? À part le va
Cette tempête de cytokines dont vous parlez, Eric, pourra avoir lieu suite à l’administration du vaccin, mais aussi suite à la maladie chez les gens qui ont un système inflammatoire trop robuste. Présentement, il n’y a pas d’indication que ce vaccin cause une inflammation démesurée. Quant à savoir si la vitamine D et d’autres molécules anti-inflammatoires peuvent avoir un effet bénéfique si on attrape la grippe, aucune étude n’a encore été faite pour le prouver, mais ça demeure une question très intéressante. Une étude récente démontrait que les femmes ont plus de chance de développer une bonne réponse immunitaire et inflammatoire après avoir reçu le vaccin contre la grippe que les hommes, et que plus le taux de testostérone est élevé chez un homme, moins il répond au vaccin (moins d’anticorps produits)… allez savoir.