La télévision et les tout-petits

La télévision et les tout-petits

26 octobre 2007

Les effets de la télévision sur les jeunes téléspectateurs américains

La télévision est devenue un phénomène culturel en Amérique du Nord. En fait, après la famille, certains experts pensent que la télévision est ce qui a le plus d’influence sur les enfants. Même les bébés et les très jeunes enfants sont fascinés par les populaires émissions désignées comme programmes « éducatifs » pour leur groupe d’âge. Mais, nos bébés sont-ils vraiment prêts à cela?

Tandis que la communauté scientifique poursuit ses recherches pour comprendre comment les bébés et les jeunes enfants grandissent et se développent, l’écoute de la télévision est un enjeu de plus en plus complexe. Tous les jours, les parents s’évertuent à trouver les bonnes réponses à une époque où la télévision et la technologie sont de plus en plus présentes dans notre société. Il est donc devenu très important de jauger le pour et le contre de l’exposition des enfants à ce média.

Avertissement aux parents

Aux Etats-Unis, l’American Academy of Pediatrics (AAP) recommande aux parents de ne pas laisser leurs enfants de moins de 2 ans regarder la télévision. Cela, parce que les trois premières années de vie d’un enfant représentent une période très propice au développement cognitif. Durant cette période, les enfants ont besoin d’interaction dynamique et positive avec d’autres enfants et adultes, et beaucoup de temps pour jouer et explorer. Selon les experts, l’écoute de la télévision est une activité passive qui prive les enfants de l’environnement actif, attentif et communicatif qui leur permet de se développer.

« L’AAP veut que les parents réalisent que l’apprentissage interactif et le renforcement positif sont encore les meilleures manières d’apprendre pour les bébés », dit Susan L. Buttross, M.D., membre du comité de l’AAP sur l’éducation publique et chef du service de pédiatrie développementale et comportementale au University of Mississippi Medical Center de Jackson, Miss.

« Durant les premières années de vie, le cerveau d’un bébé se développe très rapidement. Il est donc important que durant cette période l’enfant bénéficie de renforcement immédiat quand un nouveau mot surgit ou qu’une nouvelle aptitude commence à se développer. Les parents peuvent favoriser un bon développement par l’interaction dans le jeu, dit-elle. Si les parents ont besoin d’une pause, ils n’ont qu’à installer leur enfant dans un endroit sécuritaire avec des blocs, des casse-tête et des livres; il bénéficiera beaucoup plus de ces activités à stimulation visuelle et tactile. Les bébés peuvent vivre sans média et se développer merveilleusement bien! »

L’invitation à retarder l’exposition des enfants à la télévision est aussi motivée par le temps que les enfants américains passent devant le téléviseur, un constat inquiétant. Selon les rapports publiés par l’AAP, les enfants d’âge scolaire peuvent regarder jusqu’à 4 à 6 heures de télévision par jour. Et ces chiffres ne tiennent pas compte du temps passé à regarder des films, à écouter de la musique, à jouer à des jeux électroniques ou à naviguer sur Internet pour le plaisir.

« Ce que nous savons et comprenons des jeunes enfants, c’est que leur développement intellectuel, cognitif, social et émotionnel s’effectue entièrement dans un contexte relationnel », explique George Askew, M.D., pédiatre au Boston Medical Center.

« Écouter la télévision est une activité passive qui ne procure ni échange, ni réponse, deux éléments indispensables aux jeunes enfants, dit Dr Askew. Pour apprendre les nuances du langage, savoir se situer par rapport aux autres et développer ses aptitudes sociales, il faut qu’il y ait un échange dynamique. Je suis convaincu qu’une relation au jour le jour et dans l’instant présent avec une personne réceptive, aimante et dévouée est de loin plus enrichissante pour le développement et la croissance d’un enfant que n’importe quel type de média. »

Une étude rapportée dans le Archives of Pediatric Adolescent Medicine (juillet 2005) faisait un lien entre l’écoute excessive de la télévision durant l’enfance (5 à 11 ans) et l’adolescence (13 à 15 ans) et le faible niveau de scolarisation.

L’obésité est un autre facteur important lié au problème des jeunes enfants et de la télévision. Les enfants qui passent du temps devant la télévision au lieu de courir, sauter et jouer sont beaucoup plus susceptibles de souffrir d’embonpoint. Non seulement sont-ils assaillis de publicités faisant la plupart du temps la promotion d’aliments sucrés, salés et mauvais pour la santé, mais ils sont aussi plus susceptibles de grignoter en regardant la télévision qu’en faisant toute autre chose.

Le point de vue du vrai monde

La réalité d’aujourd’hui fait reculer plusieurs parents devant la recommandation de ne pas permettre aux petits de moins de 2 ans d’écouter la télévision. La présence des frères et sœurs, les horaires de travail chargés et l’épuisement des parents qui restent à la maison sont tous des facteurs qui font que l’environnement sans télévision semble un peu irréaliste. Et malgré les données scientifiques et les recommandations des experts, l’attitude des parents à cet égard dépend dans la plupart des cas de leur propre expérience et reflète leurs valeurs parentales.

Interaction parentale : la clé!

Les experts s’entendent pour dire que l’écoute de la télévision est bien ancrée dans notre vie de tous les jours. Mais, la question n’est pas vraiment de savoir s’il faut écouter ou non la télévision, c’est plutôt de savoir dans quelle mesure et à quoi sont exposés les enfants. Et plus important encore, est-ce que les parents prennent le temps d’écouter la télévision avec leurs enfants?

« Il y a plein de gens talentueux qui réalisent des émissions formidables, fort utiles aux parents et aux enseignants pour aider les enfants à apprendre », dit Alan Simpson, de la National Association for the Education of Young Children, le plus important organisme national d’éducateurs de la petite enfance voué à l’amélioration de la qualité des émissions pour les enfants de la naissance à la troisième année.

« Les enfants commencent à apprendre dès la naissance, et tout ce qui pique leur curiosité peut les aider à apprendre de nouvelles choses. Si une émission ou un film offre de la musique de qualité, des images colorées et de bonnes idées, et qu’un parent le regarde et interagit avec l’enfant pendant l’écoute, l’expérience peut être positive », précise M. Simpson. Le « danger » peut survenir quand les parents voient la télévision comme un substitut à l’interaction humaine, prévient-il.

« La télévision, comme toute autre technologie, est un outil, ajoute-t-il. On peut l’utiliser intelligemment ou non. Il y a toujours un problème à laisser des enfants seuls devant la télévision, en particulier à un si jeune âge quand ils ont besoin d’échanger avec d’autres personnes. Ils ont besoin d’être sensibilisés et d’apprendre par les réponses des autres à leurs questions. La télévision ne peut tout simplement pas combler ces besoins. »

Et encore… moins c’est mieux

Diane Levin, Ph.D., professeure en éducation au Wheelock College de Boston, Mass., et auteure du livre Remote Control Childhood? Combating the Hazards of Media Culture, étudie les effets à long terme des médias sur les jeunes enfants. Même si installer un enfant de moins de 2 ans devant la télévision pour une courte période peut ne pas entraîner de dommages irréparables, Dre Levin insiste sur le fait qu’il y a beaucoup d’autres choses bien plus intéressantes qu’il pourrait et devrait faire de son temps.

« Les jeunes enfants sont très vulnérables. Ils n’ont pas les aptitudes cognitives pour comprendre ce qu’ils voient à la télévision et faire les liens, ajoute Dre Levin. Il leur faut explorer leur univers pour comprendre comment il fonctionne. Ils ont besoin d’expériences qui les aident à développer leur créativité, à maîtriser leurs aptitudes et à comprendre qu’ils peuvent contrôler leur propre environnement. Et c’est par le jeu et la découverte de soi qu’ils y arrivent. » Dre Levin ajoute que la télévision peut très rarement remplacer ce type d’expérience; en fait, elle peut même miner le désir et les aptitudes des enfants à amorcer une interaction de qualité avec leur environnement.

« Même à un très jeune âge, les enfants peuvent commencer à s’en remettre aux images et aux messages de la télévision pour dicter leur programme de la journée, si l’écoute de ce média devient un rituel pour eux », dit-elle. Elle ajoute aussi que plus les parents se serviront de ce média pour le gardiennage, plus leurs enfants en auront besoin, parce que cela crée une habitude difficile à briser.

Vous informer

Il y a une foule de rapports et d’études à propos des effets de la télévision sur les enfants. Plus les parents en connaissent sur le sujet, plus il leur est facile de prendre des décisions éclairées qui conviennent aussi bien à leurs enfants qu’à la famille, précise Dre Levin.

Les parents peuvent trouver des renseignements sur le sujet sur Internet et à la bibliothèque près de chez eux. Il existe aussi des organismes comme Coalition for Quality Children’s Media (www.cqcm.org) et des guides du service de radiotélévision publique qui peuvent aider les parents à bien évaluer les choix d’émissions.

« Les parents devraient prendre conseil auprès de leur pédiatre et d’autres intervenants en santé au sujet de l’écoute de la télévision. Et ils devraient aussi en discuter avec les parents d’amis pour avoir d’autres points de vue et pour trouver une approche commune sur la façon d’aborder le problème de la télévision », conclut-elle.

Tirer le meilleur de l’écoute de la télévision avec vos tout-petits

  • Limitez quotidiennement le temps d’écoute de la télévision. L’American Academy of Pediatrics recommande un maximum d’une ou deux heures d’écoute par jour pour les jeunes enfants. Ces derniers doivent avoir l’occasion de faire de nombreuses activités variées tout au long de la journée
  • Écoutez la télévision avec votre enfant. Des études montrent que la télévision est plus bénéfique aux enfants quand un parent ou un autre adulte l’écoute avec eux.
  • Prenez une part active à cette activité avec votre enfant. Chantez ou répétez les comptines avec l’enfant pendant l’émission. Le fait que vous participiez montre à l’enfant que vous vous souciez de lui et que vous vous intéressez à ce qui l’intéresse.
  • Parlez de ce que vous regardez avec votre enfant. Prenez le temps de discuter de ce que vous avez vu durant l’émission, tant des comportements positifs que négatifs.
  • Faites des activités de suivi. Une fois l’émission terminée, refaites certains des jeux ou activités, et reprenez les chansons avec l’enfant. Cela renforce les concepts présentés.

26-10-07 Hôpital de Montréal pour enfants – SW   

 
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