Mise en garde contre les tatouages au henné
31 mai 2011
Par Richard Haber, M.D.
Dernièrement, j’ai reçu à mon bureau une fillette de 7 ans qui venait me consulter au sujet d’une éruption cutanée sur son bras. Trois semaines auparavant, la famille avait passé des vacances dans un centre de villégiature des Caraïbes. Au cours des vacances, la fillette avait supplié sa maman de lui permettre de se faire faire un tatouage au henné, et la mère a accepté. Sur la plage, un des vendeurs de tatouages a dessiné un poisson sur le haut de son bras avec du henné « noir ». À leur retour, l’image du poisson a commencé à s’estomper peu à peu pour révéler une plaque rouge et croûtée, accompagnée de minivésicules là où la teinture avait été appliquée.
Trois semaines plus tard, grâce à l’application d’une crème de corticostéroïde durant 10 jours, l’irritation a presque complètement disparu.
Le henné seul est inoffensif
N’ayant jamais vu ce type d’éruption auparavant, je me suis tourné vers la littérature médicale et j’ai découvert qu’il s’agissait d’une réaction très bien documentée, et que les enfants y étaient particulièrement sensibles. Les tatouages temporaires faits de henné nous viennent de l’Inde et du Moyen-Orient, où ils étaient souvent utilisés dans des cérémonies religieuses comme les mariages. Le henné en lui-même est inoffensif; il est fait avec les feuilles moulues de la plante Lawsonia inermis dont l’ingrédient actif est une naphtoquinone mélangée à de l’eau ou de l’huile. Quand on l’applique sur la peau, il ne pénètre pas dans le derme, mais teinte l’épiderme d’une couleur rouge-brun. Il ne cause pas de réactions allergiques. Le problème, c’est quand le henné est dénaturé avec des additifs; et c’est le cas du henné « noir », dont l’additif est la para-phénylènediamine (PPD), connue pour causer une réaction allergique retardée de type 4. Ces réactions retardées peuvent se manifester d’une à trois semaines après l’application du tatouage, comme dans le cas de ma patiente. La PPD pénètre plus profondément que le henné et s’infiltre dans le derme d’où elle a accès au sang. À l’occasion, elle peut causer une réaction systémique plus grave et provoquer chez les enfants ayant un déficit en glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PD) une hémolyse aiguë (la destruction des globules rouges entraînant la libération de l’hémoglobine des globules rouges dans le plasma sanguin).
La PPD provoque une réaction croisée avec d’autres médicaments comme les sulfamides, l’acide 4-aminobenzoique (PABA, utilisé dans les écrans solaires), la benzocaïne et l’acide para-amino-salicylique (PAS), utilisé dans le traitement de la tuberculose. Si une personne est allergique à l’un de ces produits, elle risque de réagir à la PPD des tatouages au henné.
D’autres additifs (lime, citron, figue, céleri, carotte ou persil) utilisés dans le henné afin d’obtenir différentes couleurs contiennent des composants que l’on appelle psoralènes, qui sont convertis en quinones par la lumière du soleil et peuvent entraîner une réaction de photosensibilité.
La maxime Caveat emptor (que l’acheteur prenne garde) s’applique donc tout à fait aux tatouages au henné, en particulier pour les enfants. Les parents doivent être extrêmement prudents quand un vendeur les aborde sur la plage en leur proposant un tatouage au henné!
Référence
Urkin, Jacob. « Henna tattooing dermatitis: consider an additive as the culprit. » British Journal of General Practice, octobre 2006, p.794.
Richard Haber, M.D., FAAP et FRCPC, est professeur agrégé de pédiatrie à l’Université McGill et directeur du Centre de consultation pédiatrique à L’Hôpital de Montréal pour enfants
Crédit photo : Ian Burt