De l’espoir pour cette Journée mondiale de lutte contre le SIDA
30 novembre 2016
Une étude pancanadienne sur le VIH pédiatrique impliquant l’Hôpital de Montréal pour enfants espère paver la voie à une guérison fonctionnelle
Au cours de 25 dernières années, le développement de combinaisons de médicaments puissants contre le VIH a permis à des patients nés avec ce virus de vivre comme n’importe quel patient aux prises avec une maladie chronique. Il y a toutefois un aspect qui continue d’intriguer les chercheurs, à savoir si une rémission de la maladie est possible, et dans l’affirmative, comment l’obtenir.
Le « bébé du Mississippi »
« Ce que nous avons appris de toutes ces années passées à étudier le VIH, c’est que le virus reste latent dans certaines cellules, créant ainsi un réservoir qui peut réactiver une infection longtemps après que le virus actif eut disparu du sang grâce aux traitements », explique le Dr Christos Karatzios, spécialiste des maladies infectieuses pédiatriques. « C’est ce qui s’est produit il y a quelques années chez une enfant du Mississippi que l’on croyait guérie et débarrassée du virus après des traitements antiviraux. La patiente avait reçu des combinaisons de médicaments puissants dès les premières heures de sa vie, et son traitement s’était poursuivi jusqu’à ses 18 mois, moment où elle et sa mère ont été perdues de vue. Plusieurs mois après, lors de leur retour dans le système de soins, les médecins ont été sidérés de voir que malgré l’absence de traitement, la charge virale de l’enfant était indétectable – c’est-à-dire qu’on ne trouvait pas trace du VIH. »
Ses médecins l’ont d’abord cru guérie du VIH, mais après plusieurs autres mois sans traitement, le virus a fait un retour en force et on a observé une remontée de la charge virale de la patiente. Il n’y avait donc pas de « guérison » au sens le plus strict du terme, mais les chercheurs ont commencé à discuter de la possibilité d’une « guérison fonctionnelle ».
L’étude EPIC4, dirigée par le Dr Hugo Soudeyns, chercheur sur le VIH au CHU Ste-Justine, réunit une équipe pancanadienne de chercheurs, dont Dr Christos Karatzios et Dre Dorothy Moore de l’HME, pour tenter de répondre à la nouvelle question chargée d’espoir qui a surgi à la lumière des constatations sur le bébé du Mississippi : une rémission virale de l’infection par le VIH est-elle possible et quels en seraient les facteurs déterminants?
En alliant le savoir-faire de neuf centres pédiatriques du pays, les chercheurs espèrent recruter 320 patients à travers le Canada, des patients qui ont tous été traités à différents moments après avoir contracté le VIH à la naissance. Jusqu’à maintenant, une dizaine de participants ont déjà été recrutés à l’HME, et 150 à la grandeur du Canada.
« Certains de ces patients ont bénéficié d’un traitement antirétroviral dès les premières heures de leur vie, comme dans le cas du bébé du Mississippi, tandis que d’autres ont commencé leur traitement au cours de leur première année de vie ou bien plus tard, précise le Dr Karatzios. Notre objectif, c’est d’analyser les sites réservoirs de ces patients afin de comprendre pourquoi une population de patients s’en sort mieux que les autres; nous pourrions ainsi découvrir quelle approche utiliser pour interrompre la médication pendant une période donnée – que nous espérons la plus longue possible – sans risquer que le virus déclenche une nouvelle infection active. »
« De nos jours, gérer le VIH demande de respecter à 100 % son traitement médicamenteux; c’est tout ou rien, explique-t-il. Mais prendre des pilules tous les jours quand on est enfant, c’est difficile. L’objectif ultime de notre recherche, c’est d’établir s’il est possible d’arriver à une rémission de l’infection par le VIH, et si oui, de quelle façon. Cela pourrait ouvrir la voie à des “congés de médicaments” prolongés, qui sont, à juste titre, désapprouvés par les directives thérapeutiques depuis des années. Cependant, si nous arrivions à empêcher la formation d’un réservoir, nous pourrions favoriser une rémission qui nous permettrait d’interrompre indéfiniment la prise de médicaments sous surveillance stricte. L’espoir, c’est que le VIH devienne affaibli à un point tel que le patient s’en trouve pratiquement guéri. »