Prise en charge de la douleur chez l’enfant

Prise en charge de la douleur chez l’enfant

3 octobre 2011

par Marlene Busko

La douleur chez l’enfant est souvent négligée ou n’est pas adéquatement prise en charge. « Certains pensent encore qu’il faut ignorer la douleur des enfants parce que ces derniers ne s’en souviendront pas, ou qu’il est trop dangereux de la traiter, ou encore qu’ils doivent la traiter mais ne savent pas comment s’y prendre », dit G. Allen Finley, MD , FRCPC , directeur du Centre for Pediatric Pain Research à l’IWK Health Centre, et professeur d’anesthésie et de psychologie à l’Université de Dalhousie, à Halifax, en Nouvelle-Écosse.

Une douleur aiguë qui n’est pas adéquatement traitée peut donner lieu à une phobie permanente des piqûres ou à une douleur chronique, prévient Alan Kaplan, MD, médecin de famille et urgentologue à Richmond Hill, en Ontario.

Des recherches sont en cours pour mieux sensibiliser le milieu médical à la douleur de l’enfant et orienter la pratique clinique à cet égard. Dans une étude récente, Bonnie Stevens, Inf., Ph. D., à l’Hôpital pour les enfants malades de Toronto, et ses collègues ont établi que les enfants hospitalisés subissent une moyenne de six interventions douloureuses, dont seules une ou deux font l’objet de stratégies de soulagement de la douleur. Une équipe dirigée par Anna Taddio, B. Sc. Pharm., Ph. D., professeure agrégée à la Faculté de pharmacie Leslie Dan de l’Université de Toronto, a élaboré des lignes directrices de pratique fondées sur des données probantes pour réduire la douleur due à la vaccination des enfants. Ces lignes directrices ont récemment été publiées.


Types de douleurs les plus fréquents

La douleur causée par une infection de l’oreille ou de la gorge ou par des éraflures ou des coupures mineures fait partie d’une croissance normale. La vaccination est l’une des causes de douleur médicalement provoquée chez les enfants. « La douleur n’a jamais été reconnue comme un effet secondaire de la vaccination, mais aujourd’hui, les gens ont pris conscience qu’elle n’est pas si bénigne, surtout si on considère le nombre croissant de vaccins qu’on administre à nos enfants », explique la Dre Taddio. Les calendriers de vaccination actuels en Ontario exigent 16 injections de vaccins – 12 injections entre 2 et 18 mois, et quatre injections entre 4 et 14 ans. Environ 10 % des enfants développent une phobie des piqûres. Son groupe de recherche a mis au point des stratégies simples et peu coûteuses pour réduire la douleur due aux vaccins, notamment des techniques de distraction et l’application d’un anesthésiant.

D’autres types de douleur chez l’enfant incluent la douleur intense due à une blessure, comme une fracture à la jambe, ou à une maladie comme le cancer. Une étude récente menée par Statistique Canada rapporte que 2 % des garçons et 6 % des filles âgés entre 12 et 17 ans souffrent de douleur chronique, généralement causée par la polyarthrite rhumatoïde ou la migraine.


Évaluation de la douleur

Les enfants ont plus tendance à cacher leur douleur qu’à l’exagérer, affirme le Dr Finley. « Un enfant n’admettra pas qu’il a mal et ne dira rien s’il craint d’être hospitalisé, de susciter l’angoisse ou la colère de ses parents, ou encore qu’on lui fasse une piqûre ou qu’on manipule son bras cassé et qu’on lui fasse encore plus mal », ajoute-t-il. Il est donc important de demander directement à un enfant s’il a mal.

Pour mesurer la douleur, on peut demander aux adolescents d’en indiquer l’intensité sur une échelle allant de 0 (pas de douleur) à 10 (la pire douleur possible). On propose aux jeunes enfants d’indiquer l’intensité de leur douleur sur une échelle des visages (accessible sur http://www.usask.ca/childpain/fpsr/pps92.pdf) allant d’un visage neutre (pas de douleur) à un visage grimaçant de souffrance (douleur intense).


Le traitement par les « 3 P »

Un traitement efficace de la douleur passe par les « 3 P » : intervention psychologique, physique et pharmacologique.

L’intervention psychologique, comme les techniques de respiration profonde, la distraction et l’utilisation d’imagerie peut s’avérer très bénéfique. Parmi les traitements physiques de la douleur, les plus courants sont l’application de compresses chaudes ou froides pour réduire la douleur ou l’oedème dus à des ecchymoses ou à des piqûres d’insectes ou le massage d’un orteil qu’on a cogné; on peut aussi donner à sucer à un nourrisson un liquide sucré pendant qu’on lui fait une injection.

La prise en charge de la douleur de l’enfant se fait au moyen de quatre principaux types de traitements pharmacologiques : les analgésiques non opioïdes, les opioïdes, les anesthésiants topiques et les adjuvants.

Les analgésiques non opioïdes en vente libre tels que l’acétaminophène ou les anti-inflammatoires non stéroïdaux (AINS ) comme l’ibuprofène sont généralement utilisés pour combattre la migraine, les rages de dents ou les otalgies. L’ibuprofène, qui a un effet anti-inflammatoire, est indiqué pour les douleurs musculosquelettiques telles que l’arthrite ou les blessures sportives. « La plupart des enfants souffrant d’otalgie sont traités avec de l’acétaminophène ou de l’ibuprofène », affirme le Dr Kaplan. Ces médicaments sont sans danger lorsqu’ils sont administrés occasionnellement aux enfants, fait remarquer la Dre Taddio, ajoutant qu’ils peuvent être utilisés pour faire baisser la fièvre ou atténuer la douleur à un bras après une vaccination, mais qu’ils ne sont pas efficaces pour éviter la douleur au moment de l’injection.

La morphine et autres opioïdes peuvent être prescrits après une amygdalectomie, une chirurgie de la hernie ou le traitement d’une fracture. La morphine peut être sans danger si elle est prescrite à des doses appropriées et en surveillant la dépression respiratoire, explique le Dr Finley. L’association d’acétaminophène ou d’ibuprofène avec de la morphine peut améliorer le soulagement de la douleur et permet de réduire la dose de morphine nécessaire. L’accoutumance est extrêmement rare chez les enfants de moins de 12 ans, indique le Dr Kaplan, bien que les adolescents soient enclins à essayer des drogues et que certains médecins se prononcent contre l’administration de codéine aux enfants, invoquant la fluctuation des taux sériques et la possibilité d’une surdose involontaire.

Au Canada, trois anesthésiants topiques sont offerts en vente libre : la lidocaïne/prilocaïne (EMLA ), l’améthocaïne (Ametop) et la lidocaïne liposomale (Maxilène). Ces médicaments sont efficaces pour traiter la douleur due à une injection, à la pose d’un cathéter ou à une prise de sang, et sont particulièrement indiqués pour les enfants hospitalisés qui subissent de nombreuses interventions. Toutefois, l’usage de ces crèmes n’est pas encore largement répandu en dehors des milieux hospitaliers, fait remarquer la Dre Taddio.


Différences de traitements entre les enfants

Les enfants ne sont pas de petits adultes. À mesure qu’ils grandissent et se développent, ils vivent des changements importants qui influent sur l’efficacité, la toxicité et le dosage des médicaments, explique Jessica Truong, B. Sc. Pharm., pharmacienne en hématologie-oncologie à L’Hôpital de Montréal pour enfants. Il est important de prendre en considération l’âge de l’enfant, ses problèmes de santé, l’intensité de sa douleur ainsi que son expérience antérieure de la douleur, et de choisir l’analgésique et la voie d’administration qui lui procureront un soulagement rapide et efficace, tout en étant conscient des effets secondaires possibles. Il arrive que l’on ait à modifier la posologie en fonction de la réponse initiale à un traitement.

Les pharmaciens doivent parfois préparer des formules médicamenteuses spéciales quand les jeunes enfants requièrent des doses inférieures à celles offertes dans le commerce. Ils peuvent également enseigner aux parents comment camoufler le mauvais goût d’un médicament. On peut mélanger un médicament liquide avec une petite quantité de jus ou de lait, on peut écraser et mélanger une pilule avec un peu de confiture ou de banane. Pour les enfants plus âgés, on peut enrober les pilules de nourriture. On peut également donner à l’enfant un aliment savoureux avant ou après le médicament.


Références :

1. Jacobson S. Common Medical Pains. Pediatr Child Health 2007;12(2):105-109

2. Ramag-Morin PL et Gilmour H. Douleur chronique chez les personnes de 12 à 44 ans. Statistique Canada, Catalogue No 82-003-XPE, Rapports sur la santé,Vol. 21, No 4, Décembre 2010. Consulté le 19 mai 2011.

3. Stevens BJ et coll. Epidemiology and management of painful procedures in children in Canadian hospitals. CMAJ 2011;183:E403-E410. Accessible sur : http://www.cmaj.ca/cgi/reprint/183/7/E403. Consulté le 22 avril 2011.

4. Taddio A et coll. Reducing the pain of childhood vaccination: an evidence-based clinical practice guideline (sommaire). CMAJ 2010;182(18):1989-1995. Accessible sur : http://www.cmaj.ca/cgi/reprint/182/18/1989. Consulté le 22 avril 2011.

Cet article a paru dans L’actualité médicale et Québec pharmacie sous la rubrique Points de discussion: Gestion de la douleur. L’article a été republié avec la permission de Rogers Healthcare Group et CanadianHealthcareNetwork.ca.

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