L’intelligence artificielle et la génétique pour prédire le développement cognitif des enfants vivant avec l’autisme

L’intelligence artificielle et la génétique pour prédire le développement cognitif des enfants vivant avec l’autisme

23 avril 2025

Peut-on prédire avec précision si un enfant évalué pour un diagnostic d’autisme développera plus tard une déficience intellectuelle ? Dans une nouvelle étude incluant 5 633 enfants issus de trois cohortes nord-américaines, deux cliniciens-chercheurs ont mis au point un modèle prédictif innovant combinant un large éventail de variants génétiques avec des données sur les étapes du développement précoce de l’enfant. L’objectif : obtenir plus tôt des informations fiables pour prévoir la trajectoire développementale et ainsi intervenir de manière proactive auprès des enfants qui en ont besoin.

Ces travaux représentent un point tournant dans l’utilisation des données génomiques, puisque les tests génétiques sont ici employés pour prédire le développement, à l’opposé de leur utilisation habituelle qui consiste à expliquer une condition développementale déjà observée. 

Un modèle pour soutenir le jugement clinique

Cette étude prend appui sur l’importante expérience en génétique et en psychiatrie de l’enfant de l’équipe de recherche. Elle est issue du désir des cliniciennes et cliniciens de répondre à une préoccupation de nombreux parents : mieux comprendre et anticiper le développement de leur enfant.

« Chez certains enfants, les premiers signes d’autisme apparaissent dès l’âge de 18 mois », explique le Dr Vincent-Raphaël Bourque, médecin résident en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’Hôpital de Montréal pour enfants, doctorant au Centre de recherche Azrieli du CHU Sainte-Justine et premier auteur de l’étude. 

« Bien que le diagnostic d’autisme puisse être posé très tôt, il reste difficile de prédire la trajectoire développementale à moyen et long terme. De nombreux parents se demandent comment leur enfant évoluera et s’il développera une déficience intellectuelle, qui concerne 10 à 40 % des enfants autistes, et se manifeste souvent vers six à huit ans. »

Actuellement, les médecins se basent principalement sur l’observation des étapes du développement précoce, comme l’acquisition du langage ou de la marche, pour anticiper le développement de l’enfant. Toutefois, ces prédictions sont limitées, surtout chez les plus jeunes enfants. De plus, il n’existe encore aucun moyen de savoir à quel point ces prédictions sont précises.

L’approche actuelle consiste donc souvent à attendre de voir comment l’enfant se développe avant d’intervenir. Or, cela peut résulter en beaucoup de stress pour ce dernier lorsqu’il y a un décalage croissant entre les forces et les défis qui lui sont propres, les attentes de l’entourage et du milieu scolaire, et le soutien qui lui est offert, à lui et à sa famille. Par conséquent, plusieurs enfants pourraient bénéficier plus tôt d’une prise en charge mieux adaptée. 

Les chercheurs ont donc développé un modèle visant à anticiper les défis, plutôt que d’attendre qu’ils se manifestent, pour offrir du soutien de manière plus proactive. En combinant un grand nombre de variants génétiques – incluant certains qui sont typiquement considérés à faible valeur prédictive – avec des données sur les étapes du développement moteur et langagier, ils ont été en mesure de prédire correctement environ 10 % des cas de déficience intellectuelle chez les enfants. La capacité à distinguer les probabilités faibles et élevées de déficience intellectuelle fournies par les variants génétiques était deux fois plus grande chez les enfants avec d’importants retards de développement.

Ces résultats établissent un point de référence, lequel est prometteur pour la recherche future.

« Des équipes de recherche découvrent sans cesse de nouveaux variants génétiques et les modèles d’analyse sont de plus en plus puissants, se réjouit le Dr Sébastien Jacquemont, médecin généticien, chercheur au CHU Sainte-Justine et auteur principal de l’étude. Donc c’est certain qu’au cours des prochaines années, avec les tests génétiques qui sont moins coûteux et de plus en plus accessibles, nos capacités de prédiction vont s’améliorer et donneront lieu à une prise en charge plus adaptée de plus d’enfants. »

Enfin, cette étude porte une attention particulière à mesurer avec précision la marge d’incertitude, c’est-à-dire dans quelles proportions les prédictions se sont avérées exactes et inexactes, une donnée essentielle pour la communication avec les familles.

« En tant que médecin, expliquer aux parents le degré de certitude (et d’incertitude) de nos prédictions est essentiel : cela leur permet de prendre les meilleures décisions avec et pour leur enfant », conclut le Dr Bourque.

Cette page a besoin d’une mise à jour ? Signalez-la ici !