Service de douleur chronique : aider patients et familles à retrouver une vie normale
3 février 2017
Dans la région de Montréal et Laval, huit mille enfants souffrent de douleur chronique. La douleur chronique inexpliquée – décrite comme une douleur accompagnée de symptômes sans lien avec une maladie ou une blessure grave – est souvent appelée douleur non spécifique, idiopathique ou fonctionnelle. Chez les enfants, les douleurs fonctionnelles les plus courantes sont les douleurs de croissance, les maux de tête non migraineux et les maux de ventre récurrents. Mais les enfants et les adolescents peuvent aussi souffrir de migraines, de maux de dos et de cou, ainsi que de douleurs généralisées chroniques et de fibromyalgie, un syndrome sous-jacent.
Souvent sans diagnostic, les enfants peuvent être amenés à voir plusieurs spécialistes, à prendre inutilement des médicaments qui ont des effets indésirables et à manquer l’école avant d’être enfin traités pour leur problème de douleur chronique. Le Dr Pablo Ingelmo, directeur du service de douleur chronique de l’Hôpital de Montréal pour enfants (HME), a fait son entrée dans l’équipe de l’HME en 2013 pour sa spécialisation en douleur chronique pédiatrique. « Trois enfants sur quatre qui souffrent de douleur chronique deviendront des adultes aux prises avec des douleurs chroniques; mais ce ratio chute à un sur trois si ces enfants reçoivent un traitement approprié », explique-t-il.
Un diagnostic difficile à poser
En mars 2015, Lorenzo Accurso, 12 ans, souffrait de graves douleurs abdominales. Entre autres pistes, on a pensé que ces douleurs étaient dues à une appendicite, mais on n’arrivait pas à poser un diagnostic définitif. Après avoir fait le tour de toutes les causes possibles, le Dr Ingelmo et l’équipe du service de douleur chronique ont pris Lorenzo en charge. « Lorenzo présentait un syndrome de douleur abdominale fonctionnelle (SDAF), qui est un diagnostic par exclusion », explique le Dr Ingelmo. Le SDAF est une douleur viscérale qui demeure parfois inexpliquée; cependant, quand il y a des blessures ou lésions répétées à l’abdomen, les récepteurs nerveux peuvent devenir trop sensibles et provoquer des douleurs plus intenses (même le processus normal de digestion peut être perçu comme douloureux). Pendant la première hospitalisation de Lorenzo, qui a duré une semaine, l’équipe de douleur chronique a adopté différentes approches médicales. Malheureusement, le traitement médical n’a pas été efficace et un mois plus tard, Lorenzo était hospitalisé de nouveau pour six semaines.
« La douleur était intenable, et à cause d’elle, Lorenzo était épuisé », explique Alessandra Marani, mère de Lorenzo. « Il a pris plusieurs médicaments différents, mais rien ne semblait l’aider, et à un certain moment, il en a eu assez », raconte-t-elle. Dans ses pires moments, Lorenzo pouvait avoir de quatre à cinq crises par jour, et comme il les sentait venir, il devenait stressé et se mettait à paniquer. Pour Alessandra, voir son fils dans un tel état était tellement éprouvant qu’elle devait quitter la chambre quand il avait une crise. « La douleur chronique n’affecte pas seulement le patient; elle a forcément des conséquences sur toute la famille », souligne le Dr Ingelmo.
Une approche multidisciplinaire
« La meilleure façon de soigner les patients aux prises avec des douleurs chroniques est d’adopter une approche multidisciplinaire », explique le Dr Ingelmo. Au sein de l’équipe de douleur chronique, il arrive souvent que ce soit une personne autre que le médecin qui prend les rênes. Dans le cas de Lorenzo, ç’a été un psychologue, le Dr Yves Beaulieu. « La douleur amène souvent une dramatisation de la situation, et tout ce qui alimente le système, comme le stress, aggrave encore plus la douleur », explique le Dr Beaulieu. Ce dernier a travaillé avec Lorenzo au moment des crises, pour lui donner des outils pouvant l’aider à surmonter la panique et la douleur. « Nous apprenons à nos patients à se calmer tout seuls en utilisant leur cerveau de façon inédite. »
Lorenzo admet qu’au début, il avait des doutes sur les exercices proposés. « Mais au point où j’en étais, j’ai décidé d’essayer », rapporte-t-il. Le Dr Beaulieu a appris à Lorenzo des exercices de respiration pour gérer les élans de douleur. « Avant, je marchais de long en large quand je ressentais de la douleur, ce qui empirait les choses, raconte-t-il. Le Dr Beaulieu m’a suggéré de m’imaginer dans un endroit que j’aime et de me concentrer sur ce que je ressens quand j’y suis. » Même si cela lui a demandé beaucoup d’entraînement, l’exercice a fini par l’aider à oublier sa douleur. Naturellement, après des semaines à l’hôpital, Lorenzo n’avait qu’une envie, c’était de rentrer à la maison; mais, même s’il arrivait à mieux gérer la panique et la douleur, il ne pouvait pas obtenir son congé avant que la douleur ait disparu complètement.
Retour à la vie normale
« Aujourd’hui, je vais parfaitement bien », dit Lorenzo sur un ton détaché. Il étudie en 3e secondaire, il joue au football et au rugby, et pendant l’hiver, il fait du conditionnement physique à l’école. « J’avais tellement hâte de ne plus prendre de médicaments, mais le Dr Ingelmo m’a demandé de continuer; alors j’ai diminué graduellement la dose, et j’ai fini par arrêter d’aller à la clinique. » Quand on sait qu’une simple promenade était tout un défi pour Lorenzo, on peut dire qu’il a fait beaucoup de chemin.
L’équipe du service de douleur chronique ne prend pas soin uniquement des patients; elle veille aussi sur les familles. En tant que parent, Alessandra ne s’est jamais sentie seule. « Il faut du temps pour guérir la douleur chronique, et le personnel du service de douleur chronique est là pour nous aider à passer à travers ses moments difficiles », dit-elle. Grâce au soutien de la Fondation de l’Hôpital de Montréal pour enfants, le Dr Ingelmo et son équipe obtiennent des résultats significatifs. « Nous permettons aux patients et aux familles de reprendre une vie normale et de redevenir des membres à part entière de la société. »