Un nouvel œsophage grâce à des aimants magnétiques
16 juillet 2021
En première mondiale, une procédure innovatrice permet à un nourrisson de s’alimenter.
C’est bien connu, l’équipe de l’Hôpital de Montréal pour enfants (HME) est toujours à la recherche de moyens novateurs pour sauver la vie des nouveau-nés, des enfants et des adolescents dont elle s’occupe. Dans le cas de Henryk, né à 33 semaines de gestation, l’équipe a fracassé les records.
Henryk est devenu le premier nourrisson au monde à subir une intervention chirurgicale destinée à réparer son atrésie de l’œsophage, une anomalie congénitale qui se traduit par l’absence d’une partie de l’œsophage (le tube qui relie la bouche et l’estomac). Quelques mois plus tard, au cours de la première année de vie du bébé, l’équipe de l’HME a fabriqué à la main un tube pour permettre à l’enfant d’avaler.
Les bébés atteints d’atrésie de l’œsophage sont incapables de s’alimenter ni d’avaler. Dans la plupart des cas, un chirurgien peut combler l’espace entre les parties supérieure et inférieure de l’œsophage et créer une connexion peu après la naissance. Mais dans une forme plus rare appelée atrésie à grand écart, la distance entre les deux extrémités est très longue, de sorte que les chirurgiens attendent que le nouveau-né ait atteint environ trois mois avant d’essayer d’étirer puis de joindre les deux extrémités de l’œsophage. Une technique récente, connue sous le nom de Flourish®, met en œuvre des aimants placés à l’intérieur de chaque extrémité de l’œsophage afin qu’ils s’attirent et se rejoignent.
Une énigme à résoudre
« Nous ne pouvions utiliser la technique Flourish® sur Henrik », explique le Dr Sherif Emil, directeur de la division de chirurgie pédiatrique Harvey E. Beardmore de l’HME. « Il avait la forme la plus sévère d’atrésie longue : la partie inférieure de son œsophage était inexistante, donc rien à étirer et nul endroit où placer l’aimant. Nous savions que cela n’allait pas être facile.»
Pendant que le bébé recevait des soins au sein de l’Unité de soins intensifs néonatals (USIN), le Dr Emil et son collègue expérimenté, le Dr Jean-Martin Laberge, ont conçu pour Henryk une procédure hybride, jamais tentée auparavant. Il s’agissait de séparer son ventre afin de permettre au minuscule bout restant de l’œsophage inférieur d’être ramené vers la poitrine et d’utiliser ensuite le dispositif Flourish® avec les aimants pour créer une connexion entre les deux extrémités.
Embrassades magnétiques
La procédure étant à haut risque, le Dr Emil a partagé tous ses plans et décisions avec Joy et Michael, les parents du bébé. De plus, il a dû former toute l’équipe multidisciplinaire de l’USIN et obtenir l’approbation de Santé Canada pour procéder à cette nouvelle opération.
« Personne au monde n’a essayé ce type d’intervention auparavant, mais je savais que c’était ce qu’il fallait pour ce petit garçon, a déclaré le Dr Emil. La procédure a duré 10 heures, nous avons confirmé l’absence de l’œsophage inférieur dans la poitrine, nous sommes allés chercher dans le ventre une partie de l’estomac que nous avons remontée dans la poitrine, et là nous avons appliqué les aimants. C’était tout un défi ! ». Après l’opération, il n’y avait plus qu’à attendre que les deux aimants s’attirent l’un l’autre. Mais dans le cas de Henryk, rien ne se passait. Les deux aimants restaient obstinément séparés. Et puis, au jour 10, boom ! Les deux aimants se sont rapprochés. Quelques jours plus tard, le Dr Emil pouvait confirmer que les deux structures s’étaient connectées.
« En sortant de la salle de radiologie, j’ai montré aux parents les embrasses magnétiques que je venais de retirer et je leur ai dit : ″ Nous avons un œsophage ! «
Une endoprothèse (stent) faite main pour maintenir l’œsophage du bébé ouvert
Une partie du problème était résolue. Mais les médecins devaient dilater continuellement l’œsophage étroit de Henryk, car il avait tendance à se refermer. Après environ sept ou huit dilatations réalisées par la gastroentérologue Dr Ana Sant’Anna, nous savions que nous devions essayer quelque chose de plus permanent. Nous avons donc fabriqué à la main un stent spécial grâce à la description de chirurgiens italiens. Ceux-ci n’exerçaient aucune pression sur les parois de l’œsophage et maintenaient l’espace intérieur ouvert. »
Petit à petit Henryk s’est mis à avaler sa salive et très vite, il a été capable de boire du lait avec le stent en place jusqu’au retrait de celui-ci six semaine plus tard. Depuis il est alimenté par la bouche.
« Le Dr Emil a toujours eu une pensée originale et novatrice, confie la maman de Henryk. Son équipe et lui sont ouverts à la collaboration avec des médecins d’autres institutions, et ils explorent différentes possibilités efficaces et sans danger pour notre petit garçon. Nous n’avons que des mots de gratitude à leur exprimer. Impossible d’imaginer cette expérience dans un autre hôpital. »
Après un long séjour au Children et de nombreuses interventions, Henryk qui est maintenant âgé de deux ans, s’épanouit à la maison, mais il doit continuer à être suivi par son équipe médicale.
Le Children partage son savoir-faire avec le reste du monde
La bonne nouvelle concernant cette procédure novatrice réalisée au Children s’est répandue comme une traînée de poudre. Le Dr Emil doit répondre aux nombreux appels de confrères du monde entier qui souhaitent savoir comment la mettre en œuvre pour soigner les enfants ayant la même anomalie.
La Fondation du Children et l’équipe de chirurgie pédiatrique Harvey E. Beardmore remercient chaleureusement les nombreux donateurs qui soutiennent leur travail et rendent possibles ces types de chirurgies révolutionnaires, à savoir la Fondation Mirella & Lino Saputo, le Groupe Monahan Desautels, la famille Adam & Tammy Saskin, ainsi que l’événement-bénéfice Zoe Saskin Skiez pour les enfants.