Une journée dans la vie d’une… orthoptiste!
30 octobre 2017
Gaëla Cariou-Panier a toujours su qu’elle voulait travailler en santé. Elle aimait même l’odeur des hôpitaux. Après deux ans passés en faculté de médecine en France et des études en recherche, elle a découvert une profession dont elle n’avait jamais entendu parler : orthoptiste. « C’était un mot difficile à prononcer », dit-elle en riant. « Mais dès que j’ai découvert de quoi il s’agissait, j’ai su que c’était pour moi. »
Qu’est-ce qu’un orthoptiste?
Les orthoptistes se spécialisent dans l’évaluation, le diagnostic et le traitement des patients qui ont une déviation de l’œil (strabisme), une vision double ou un œil paresseux (amblyopie). Il s’agit pour la plupart de problèmes congénitaux qui sont dus à une faiblesse ou une paralysie d’un muscle oculaire. « Notre objectif est de découvrir quel muscle ou quel nerf est atteint, pourquoi il est atteint, depuis combien de temps ce problème persiste et de quelle façon nous pouvons le traiter, explique Gaëla. Nous travaillons étroitement avec les ophtalmologistes. Le plus souvent, c’est nous qui voyons en premier les patients atteints de strabisme afin de donner le diagnostic et de déterminer si une opération est nécessaire. »
Le principal objectif consiste à redresser l’œil croche, à renforcer l’œil plus faible ou à diriger le patient en chirurgie si aucun traitement ou verre correcteur ne permet de corriger la situation. La plupart des patients rencontrés sont soignés au moyen de traitements non chirurgicaux, comme le port de lunettes ou le port d’un cache-œil sur l’œil dominant afin de renforcer l’œil plus faible. Toutefois, pour un quart des patients, la raison de leur déficience visuelle est plus complexe, comme une tumeur cérébrale.
Petite équipe, gros résultats
Trois orthoptistes, Gaëla, Mona Hijazi et Stephanie Oglietti, travaillent à l’Hôpital de Montréal pour enfants. Chacune voit de 12 à 13 patients par jour, et chaque consultation peut durer entre 20 et 45 minutes. Lors d’une visite normale, Gaëla observe, prend des mesures et recourt à différentes techniques, comme l’utilisation d’un prisme, pour déterminer la gravité du problème. Un prisme est un dispositif optique que l’on place sur les verres du patient pour tromper le cerveau en lui faisant croire que les yeux sont droits. La force du prisme peut facilement être ajustée jusqu’à ce que l’œil soit recentré, après quoi le prisme est retiré.
Pendant une consultation, Gaëla vérifie la vision 3D du patient ainsi que les muscles qui entourent l’œil. « Nous avons six muscles dans chaque œil qui permettent les mouvements des yeux, et je peux déterminer quel muscle ne fonctionne pas bien juste en regardant l’œil », explique-t-elle. Ce dernier va dévier vers l’extérieur, vers l’intérieur, vers le haut ou vers le bas selon le muscle qui est atteint. S’il y a une déviation, elle détermine quel muscle ne fonctionne pas, puis elle mesure l’angle de la déviation de l’œil. « Ces mesures aident l’ophtalmologiste pour l’opération », ajoute-t-elle.
Le temps, un facteur clé
Dans de nombreux cas, le temps est crucial, car plus l’enfant est jeune au moment de l’intervention, meilleures sont les chances de régler le problème. « Un cache-œil est beaucoup plus efficace chez les enfants de moins de six ans et demi; après, la fonction visuelle est mature donc la récupération est plus difficile », explique-t-elle. Ce court laps de temps est un élément important quand on explique aux parents pourquoi ils doivent être vigilants avec ce traitement. « Même si ça me demande cinq minutes de plus, j’explique toujours pourquoi il est important que leur enfant porte son cache-œil, dit-elle. S’ils en comprennent bien l’importance, il y a plus de chances qu’ils veillent à ce que leur enfant le porte une fois à la maison. »
Faire le clown
Beaucoup de leurs patients ne parlent pas encore, alors les orthoptistes doivent utiliser des appareils, des jouets et des techniques spécifiques afin de déterminer si les enfants voient bien ou pas, et chaque orthoptiste a ses trucs à lui. Dans le cas de Gaëla, elle adore faire le clown. « J’aime m’amuser et utiliser mon humour pendant les consultations. Je peux coller des choses sur mon nez pour que les enfants puissent se concentrer sur une seule chose, ou je les laisse regarder la télé pour qu’ils se calment pendant que je regarde leurs yeux de plus près. »
Elle-même maman de deux adolescentes, elle comprend ce que ces parents vivent, et elle essaie de les aider à traverser ces moments difficiles en les faisant rire et sourire. « Si c’est approprié, je vais demander aux parents de prendre part à nos petits jeux; je peux même faire participer les animaux en peluche de l’enfant, s’esclaffe-t-elle. Je peux leur mettre des gouttes dans les yeux ou renvoyer l’ourson à la maison avec un cache-œil! »
En grande demande
Il est clair que le travail de Gaëla n’est pas juste un travail – c’est sa passion! Une passion dont elle doit aussi faire bénéficier les patients adultes. Les orthoptistes sont en très grande demande, alors ils travaillent souvent en milieu pédiatrique et adulte. En fait, la demande pour quelqu’un comme Gaëla était tellement forte que le Programme d’intégration francophone des orthoptistes (PIFO) a été mis en place afin de permettre aux orthoptistes francophones de travailler dans les hôpitaux canadiens. « La France compte plus de 2 000 orthoptistes, mais au Québec, nous ne sommes qu’entre 20 et 30, dit-elle. Il ne m’a pas fallu une longue réflexion pour décider de venir m’installer ici pour faire un travail que j’adore. »
« J’ai toujours dit à mes filles qu’il était important de se lever le matin et d’aimer ce qu’on fait. J’aime mon travail parce qu’il varie énormément chaque jour. Même si la pathologie a l’air semblable, le patient est toujours différent. Les orthoptistes ne traitent pas la cause; nous résolvons le problème. »