Vivre avec un lupus :
8 mai 2014
Tatiana Lima-Karim venait de commencer l’école secondaire en 2008 quand elle a remarqué que son épaule lui faisant mal sans raison apparente. « Ce n’était pas comme si je m’étais cognée, ou si j’avais dormi dans une mauvaise position, explique-t-elle. C’est juste que je me sentais un peu bizarre… pas comme d’habitude. »
Au fil des jours, la douleur s’est propagée à d’autres parties du corps. D’abord son autre épaule, puis ses bras et ses poignets se sont mis à la faire souffrir comme jamais auparavant.
Deux semaines sont passées, mais la douleur et l’inconfort ne semblaient pas vouloir disparaître. Peu après, Tatiana avait peine à bouger.
Inquiète, sa mère l’a conduite directement à l’urgence de l’Hôpital de Montréal pour enfants, où l’équipe médicale a demandé toute une série d’analyses de sang et de radiographies. Quelques jours plus tard, le diagnostic tombait : Tatiana était atteinte du lupus.
Gérer les crises : une nouvelle réalité
Le lupus est une maladie du système immunitaire qui touche 17 000 personnes au Canada. En fait, près de 90 % des personnes diagnostiquées sont des femmes. L’évolution de la maladie est imprévisible, caractérisée par des épisodes symptomatiques (on parle alors de « poussée ») alternant avec des périodes de rémission.
D’ordinaire, le système immunitaire d’une personne produit des anticorps et des cellules immunitaires qui combattent les germes et les infections. Quand une personne est atteinte de lupus, son système immunitaire est suractivé et n’arrive pas à faire la différence entre certaines cellules saines normales de l’organisme et les germes qui peuvent causer une infection. Le système immunitaire réagit alors en produisant ce qu’on appelle des auto-anticorps. Ces cellules attaquent et détruisent les tissus sains et sont responsables de l’inflammation et de la douleur qui se manifestent dans différentes parties du corps.
Pour Tatiana, ce diagnostic signifiait apprendre à gérer sa maladie avec différents médicaments et s’adapter à ses nouvelles limites. « J’ai manqué seulement deux semaines d’école après mon diagnostic, mais il m’a fallu un peu plus de temps pour m’habituer à prendre autant de médicaments », dit-elle, soit jusqu’à 8 à 9 à un certain moment de son traitement.
Une prise constante de médicaments et un suivi étroit de son état par des visites régulières chez sa pédiatre rhumatologue, Dre Rosie Scuccimarri, ont permis à Tatiana de profiter le plus possible d’une vie d’adolescente normale, mais elle raconte qu’elle a dû apprendre à composer avec certaines limites.
« Comme le lupus est une maladie chronique, c’est difficile de ne pas pouvoir la contrôler, dit-elle. Certains jours à mon réveil, j’ai les poignets enflés ou les yeux vraiment très rouges, et je dois me reposer. Mais comme je n’ai pas vraiment l’air malade physiquement, le plus difficile est de faire comprendre à mes amis et à mes professeurs que je ressens des symptômes et que je dois manquer l’école. »
Titiana a eu 18 ans en avril; maintenant qu’elle a l’habitude de gérer sa maladie, elle doit faire face à un nouveau défi à cause de son âge : celui de passer aux soins pour adultes à l’Hôpital général de Montréal.
Préparer la transition : un processus savamment orchestré
Bien avant ses 18 ans, Tatiana a été préparée pour le jour où elle ne pourrait plus être soignée à l’Hôpital de Montréal pour enfants; progressivement, elle a pris de plus en plus de responsabilités pour s’occuper elle-même de sa maladie. « Ça s’est fait lentement, explique-t-elle. J’ai commencé par faire moi-même le suivi de mes médicaments, puis à partir de 16 ans, je suis venue seule à mes rendez-vous. Maintenant, je m’occupe de presque tout ce qui a un lien avec mon lupus. »
« Le transfert progressif des responsabilités du parent au patient est important », explique sa pédiatre rhumatologue, la Dre Scuccimarri. « Nous tentons de faire en sorte que les patients et leur famille commencent tôt à penser à la transition vers les soins pour adultes afin que la transition se fasse le plus facilement possible. »
C’est ce mois-ci que Tatiana a fait sa première visite dans un hôpital pour adultes, quand la Dre Scuccimarri et toute l’équipe de rhumatologie pédiatrique de l’Hôpital de Montréal pour enfants l’ont accompagnée à la Division de rhumatologie pour adultes de l’Hôpital général de Montréal pour rencontrer son nouveau médecin, le Dr Christian Pineau.
Ces visites entre collègues des divisions de rhumatologie pour adultes et enfants ont lieu chaque trimestre afin de mieux acclimater les patients à leur nouvel environnement, et d’officialiser le transfert des soins médicaux du patient au nouveau site.
« D’ordinaire, nous passons un après-midi à l’Hôpital général de Montréal et nous prenons le temps de parcourir les antécédents médicaux du patient avec la nouvelle équipe de rhumatologie. Puis, nous présentons la nouvelle équipe au patient et à sa famille », explique la Dre Gaëlle Chédeville, la pédiatre rhumatologue qui s’occupe de la coordination de ces visites. « Résultat : le patient est mieux préparé à son nouvel environnement, et il existe un plan clair pour l’avenir. »
Pour sa part, Tatiana accueille favorablement le changement et dit que son expérience l’a amenée à envisager une carrière dans le domaine de la santé. « J’aimerais devenir infirmière », dit-elle. Elle pense faire une demande d’admission au programme de sciences infirmières du Collège Vanier l’automne prochain.