Allergies alimentaires : l’épinéphrine est moins utilisée à domicile
1 Décembre 2022
Les réactions graves aux allergies alimentaires (anaphylaxie) se produisent le plus souvent à domicile. Pourtant, c’est à la maison que le principal traitement de l’anaphylaxie, l’épinéphrine, est le moins utilisé.
C’est ce que révèle une récente étude menée par des chercheurs de l’Hôpital de Montréal pour enfants (HME) et de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM), en collaboration avec plusieurs autres établissements. Sous la plume du premier auteur Connor Prosty, étudiant à la division d’allergie et d’immunologie clinique de l’HME sous la direction du Dr Moshe Ben-Shoshan, spécialiste en allergie et immunologie pédiatrique, celle-ci a été publiée en septembre 2022 dans The Journal of Allergy and Clinical Immunology: In Practice.
Les chercheurs ont analysé les cas de 3 604 enfants qui se sont présentés aux urgences de 11 hôpitaux canadiens entre 2011 et 2022 en raison d’une anaphylaxie causée par une allergie alimentaire. Ils ont constaté que de façon générale, les réactions anaphylactiques étaient survenues :
- à la maison (68,1 %),
- à l’école ou à la garderie (12,8 %),
- à d’autres endroits comme au parc ou dans la voiture (11,4 %),
- au restaurant (7,4 %),
- au travail (0,3 %).
Les réactions à l’école et à la garderie étaient plus fréquentes au Québec et les réactions au restaurant, plus fréquentes en Alberta.
L’épinéphrine d’abord
Le principal traitement de première ligne contre l’anaphylaxie est l’auto-injection d’épinéphrine. Celle-ci doit être administrée rapidement, sous peine de voir les symptômes réapparaître (réaction biphasique). Un délai dans l’injection d’épinéphrine est aussi associé avec des risques accrus de décès.
Malgré cela, les chercheurs ont constaté une utilisation inégale de l’auto-injecteur d’épinéphrine avant d’arriver à l’hôpital. Celui-ci a été employé lors de :
- 66,7 % des réactions survenues à l’école ou à la garderie ;
- 50 % des réactions survenues au travail ;
- 44,5 % des réactions survenues au restaurant ;
- 40,2 % des réactions survenues dans d’autres endroits ;
- 36,7 % des réactions survenues à la maison.
La peur de mal manier l’auto-injecteur ou de blesser l’enfant, ou la méconnaissance des signes et symptômes de l’anaphylaxie pourraient expliquer la sous-utilisation de l’épinéphrine à la maison, estiment les chercheurs. Les parents pourraient aussi être plus tentés d’attendre et surveiller les symptômes, plutôt que d’appeler les secours ou administrer l’épinéphrine comme le font davantage les enseignants et éducateurs.
De nombreuses écoles et garderies ont instauré des politiques rendant obligatoires le stockage d’auto-injecteurs d’épinéphrine et la formation des employés quant à la gestion de l’anaphylaxie. C’est probablement pourquoi l’épinéphrine reste plus utilisée dans ces milieux.
Plaidoyer pour des initiatives de sensibilisation
Pour améliorer la gestion de l’anaphylaxie à la maison, les chercheurs recommandent l’établissement de programmes pour entraîner les parents à reconnaître les signes d’une anaphylaxie causée par une allergie alimentaire et promouvoir l’utilisation de l’auto-injecteur d’épinéphrine dans tous les cas d’anaphylaxie.
Cependant, les chercheurs soulignent que chez les patients ayant une allergie alimentaire déjà connue, l’anaphylaxie est survenue plus souvent à l’école et à la garderie et moins à la maison. Comme l’anaphylaxie à la maison est surtout survenue chez des enfants dont les allergies n’étaient pas connues, ils suggèrent également de former davantage les premiers répondants à reconnaître et gérer l’anaphylaxie causée par les aliments avec l’épinéphrine intramusculaire.