Un rapport sur la réaction anaphylactique aux œufs chez l’enfant
23 avril 2024
Une équipe dirigée par Moshe Ben-Shoshan a recruté la plus grande cohorte connue de patients ayant une réaction anaphylactique aux œufs, afin de se pencher sur les réactions allergiques graves au troisième allergène alimentaire le plus fréquent
Un rapport intitulé « Clinical Characteristics and Management of Pediatric Egg-Induced Anaphylaxis: A Cross-Sectional Study » [Caractéristiques cliniques et gestion de la réaction anaphylactique aux œufs : une étude transversale] a récemment été publié dans Annals of Allergy, Asthma and Immunology. Dans ce document, l’équipe de chercheuses et de chercheurs dirigée par Moshe Ben-Shoshan, M.D., scientifique au sein du Programme en maladies infectieuses et immunité en santé mondiale à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM), décrit les caractéristiques cliniques, la gestion et les conséquences de la réaction anaphylactique aux œufs chez l’enfant.
Les œufs se classent au troisième rang des allergènes alimentaires les plus courants chez l’enfant; toutefois, il y a peu de données sur la réaction anaphylactique aux œufs, soulignent les chercheuses et les chercheurs. La réaction anaphylactique est une forme grave de réaction allergique, qui affecte rapidement plusieurs systèmes du corps et qui peut être mortelle. Ce type de réaction allergique se produit le plus souvent chez les enfants et chez les adolescents. Selon l’Institut canadien d’information sur la santé, au Canada, l’allergie alimentaire représente une visite à l’urgence environ toutes les 10 minutes, et chez l’enfant, certains aliments déclenchent jusqu’à 80 % des réactions.
Au Canada, les aliments consommés couramment contiennent des œufs; on pense ici à la mayonnaise, aux ragoûts, aux produits de boulangerie-pâtisserie ainsi qu’aux crêpes. L’équipe de l’Université McGill rapporte les résultats provenant de l’analyse des données relatives à 302 enfants ayant subi un choc anaphylactique; ces enfants ont été recrutés dans 13 services d’urgence. Il s’agit du rapport sur la plus grande cohorte d’enfants ayant eu une réaction anaphylactique aux œufs; les données que renferme ce document ont été versées au registre pancanadien de l’anaphylaxie (C-CARE, acronyme de Cross-Canada Anaphylaxis Registry). On a ensuite extrait les données relatives à la réaction anaphylactique aux œufs. On a eu recours à la régression logistique à variables multiples pour identifier les facteurs associés à l’utilisation de l’auto-injecteur d’épinéphrine avant une visite à l’hôpital; l’étude visait aussi à comparer les réactions anaphylactiques aux œufs et à d’autres allergènes alimentaires.
Selon le Dr Ben-Shoshan, qui est aussi professeur agrégé au Département de pédiatrie, Division d’allergie, d’immunologie et de dermatologie et médecin à l’Hôpital de Montréal pour enfants, l’Urgence traite environ 300 cas de réaction anaphylactique par année. « La constitution du registre de données relatives à la réaction anaphylactique a commencé ici, à l’Hôpital de Montréal pour enfants; le Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, le British Columbia Children’s Hospital et, plus récemment, les hôpitaux pédiatriques du Manitoba, de l’Alberta, de Terre-Neuve-et-Labrador et le Toronto SickKids ont ensuite décidé d’y participer. Ce registre nous permet d’analyser uniquement les données propres aux Canadiens. »
Les parents peuvent prendre des précautions pour protéger leurs enfants contre la réaction anaphylactique aux œufs, explique le Dr Ben-Shoshan. « Soixante pour cent des 300 enfants traités à l’Urgence pour une réaction anaphylactique avaient fait une réaction allergique aux œufs auparavant. Habituellement, je suggère aux parents de ne pas offrir d’œufs crus lorsqu’ils introduisent cet aliment dans la diète de leurs enfants. Je leur recommande de servir des produits de boulangerie-pâtisserie contenant des œufs et de mélanger les œufs à de la compote de pommes, par exemple.
« L’autre chose à se rappeler lorsque l’on introduit un aliment dans la diète d’un nourrisson ou d’un enfant et qu’il le tolère, il est important de poursuivre dans la même direction et d’incorporer régulièrement l’aliment dans la diète une fois par semaine, afin de maintenir la tolérance de l’enfant. Des études suggèrent qu’une exposition précoce vers l’âge de quatre à six mois et que l’exposition continue au cours de la première année de vie s’avèrent cruciales pour réduire le risque d’allergie alimentaire. »
Le Dr Ben-Shoshan a souligné avoir vu des parents qui ignoraient que certains aliments pouvaient contenir des œufs. Par exemple, des parents ont rapporté que, lors du premier anniversaire de naissance de leur enfant, ils lui ont servi un gâteau velouté rouge (« red velvet cake ») et qu’il y a eu une réaction. Il s’agissait probablement du glaçage sur le gâteau, fait avec des œufs crus; il faut par conséquent être conscient de ce que l’on donne à manger à son enfant. Les œufs sont l’un des allergènes alimentaires les plus fréquents. »
La notion selon laquelle la réglementation des aliments est suffisante pour protéger les consommateurs contre les allergies aux œufs est peut-être mal comprise. Au Canada, le Règlement sur la salubrité des aliments régit les produits contenant des œufs transformés, qu’applique l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Le Dr Ben-Shoshan souligne que, bien que ce règlement énonce les exigences spécifiques relatives à la transformation, au traitement, à l’importation et à l’exportation de produits contenant des œufs transformés, les problèmes se posent lorsque les consommateurs négligent de lire les étiquettes des produits. « Une étude de Santé Canada donne des exemples d’aliments réputés ne contenir aucun produit laitier, mais qui en renferment en fait une bonne quantité. Cela ressemble un peu au jeu de la roulette russe. »
Enfin, il y a le cas des aliments qui ne sont pas préemballés. Le Dr Ben-Shoshan donne l’exemple où des enfants commanderaient des biscuits dans une boulangerie. « Les boulangeries pourraient se servir, dans la préparation de muffins ou de biscuits, des mêmes ustensiles que ceux qu’ils auraient utilisés pour faire des préparations contenant des produits laitiers. Comme il ne s’agit pas d’aliments préemballés, il n’y aurait dans ce cas aucun contrôle sur la quantité d’allergènes que renfermeraient ces produits. »
Lire la version intégrale de l’étude : DOI: 10.1016/j.anai.2024.03.008 [en anglais seulement]